29/04/2011

Lama-Les ballons rouges


la version est un peu lente et merdique, je suis déçue..mais je ne peux pas vous coller la mienne pour l'instant, elle est sur vinyle. en attendant, les paroles restent les mêmes.

21/04/2011

Les charlots-L'avion

bienvenue dans le sud ma karo hehe
 

Cornu-La magie

rien à dire, excellent :)
(ps : tu vois bien qu'on peut coller du violon sans que ce soit du classique)

Mell

Mell-Encore une nuit blanche
voila, là c que je souhaite que la petite mell continue, le son est bien sympa, et les paroles aussi, voyez vous même
Mell-Pour sauver les meubles

Cornu-Lisa

celle-ci me fait beaucoup rire..

20/04/2011

Déportivo-La salade

alors...déportivo est un groupe de rock qui vient de bois d'arcy, mon ancienne petite ville quand j'habitais encore l'île de france. un son bien sympa, des chansons courtes et efficaces. je mettrai la plus connue plus tard.

Eva Kristina Mindszenti-Les inattendus

J'aime les chiens. Leur gaieté. J'ai un chien. Je l'ai appelé Kutya. Je sais. Ce n'est pas très original.
Un rien l'enorgueillit. Rapporter un lapin exsangue dans la chambre de mes parents est sujet à une immense autosatisfaction. Marcher au côté de mon père suffit à l'enfiévrer. Déterrer un vieux bâton, le mordiller, et la vanité l'amène au bord de l'évanouissement. Chez lui, l'arrogance est inséparable de la gaité. C'est pourquoi Kutya est tout le temps gai. J'ai souvent souhaité être un chien. En chien, je n'aurais plus honte de ce que je suis. J'ai honte, sans cesse, sans cause. Si j'étais Kutya, je ne me sentirais coupable de rien. Je serais fière, et c'est tout. Si j'étais mon chien, le bonheur m'ouvrirait les bras, qu'il a étroits et sélectifs, comme beaucoup l'apprendront. Je ne serais plus ce corps humain désaccordé. J'ai vingt ans, mais au fond, je suis minuscule. Je suis mon propre foetus.
C'est-à-dire : rien encore.
Alors j'attends. Je n'attends rien que l'humain puisse traditionnellement espérer. J'ai des aspirations de chien.
Je n'escompte ni amour, ni famille, ni enfants. Il faut avoir commencé sa vie pour espérer cela. Mon mode d'existence est autre. J'attends probablement de naître. Malheureusement, je ne peux pas choisir l'heure de ma naissance. Tout comme je n'ai pas choisi mes parents, ni d'être humaine, ni d'être une femme. Si j'avais eu le choix, je serais Kutya. Je déterrerais des cadavres de taupes. Je fouillerais la terre meuble avec mon nez, me roulerais dans la charogne, et mes doigts ne serviraient qu'à déchiqueter les petits animaux. Mon père passerait du temps avec moi. Il a de la chance, Kutya. Nous irions nous promener. Maman me caresserait, riant de mon idiotie avec attendrissement.
Certes, si j'étais mon chien, Janos Arany ne pourrait pas m'aimer comme il le fait. Il n'aurait jamais écrit pour moi. J'ignorerais son existence, mais avec superbe, ce qui compenserait. Même cela, je suis prête à le sacrifier pour être mon propre chien. Qu'un immense poète écrive pour sauver ma vie humaine ne vaut pas ma vie canine. Une destinée courte : dix ans, tout au plus. Mais si bien remplie. Sur la fin, je sentirais constamment mauvais. Personne ne me le reprocherait. On déplorerait que ma mort soit si proche. J'étais un bon chien. Tellement incapable. Tellement conforme à ce que l'on attendait de moi. Drôle et incapable. Je pense à cette vie ratée, me raccrochant au dernier espoir qu'il me reste : que le foetus que je nourris naisse enfin, tant qu'il le désire encore.

Mano solo-Allo Paris

J'ai beaucoup hésité avec barbes clichy, et puis je me suis dit, tiens, une chanson de son premier album, c sympa. et puisqu'il était un artiste complet, chanson, peinture, blabla, là ici ca se voit tout de suite mieux.

Nota bene

Sournoise soumission familiale plantée jusqu’à mes os au moyen de ses violences,
Z, fin d’alphabet, comme une vie déjà partie, loin et vite – je n’ai rien vu !
Wagons lassants de vieillesses pour ces souvenirs et ces rancœurs âpres et désolées
A savoir quand j’oserai l’écarter de mes manies, mes réflexes, mes cruautés.
Je ne veux pas de vos vies mensongères, pauvres ignorants que vous êtes sous cette lumière crue ;
Dans le sommeil sa morsure est bien plus amère : nécessité de déchéance –
Avec ou sans moi vos yeux s’ouvriront chaque matin sans que le sentiment vous effleure,
Souveraine présence que je me surpris à tuer cent fois l’an il me semble
Angoisse déconcertante de l’enfant insatisfait – rien n’est parfait !
Rouge, enfin cette couleur qui décidément me dominera. Je suis un corps perdu
Dans une foule qui cache avec moi cette détresse rongeant mon âme sans vertu.
Ainsi, éloignez-vous de mon être sans conscience apparente car écartelée
Ne perdons plus ces heures sous la certitude que je guérisse, que jamais plus je ne tremble :
Nous ne mourrons pas ensemble, Bien sûr, je partirai la première.

Mano solo-Je suis venu vous voir

alors, celle-ci puisqu'il nous a quitté, trop tôt, le sida ayant finalement eu raison de lui. une chanson toute triste mais magnifique. moi aussi, je veux bien cracher le mal comme un pépin ;)

13/04/2011

Brassens-Les sabots d'Hélène

Brassens-Trompettes de la renommée

Brassens-Putain de toi

Apollinaire-Adieux

Lorsque grâce aux printemps vous ne serez plus belle,
Vieillotte grasse ou maigre avec des yeux méchants,
Mère gigogne grave en qui rien ne rappelle
La fille aux traits d’infante immortelle en mes chants,

Il reviendra parfois dans votre âme quiète
Un souvenir de moi différent d’aujourd’hui
Car le temps glorieux donne aux plus laids poètes
La beauté qu’ils cherchaient cependant que par lui.

Les femmes voient s’éteindre en leurs regards la flamme ;
Sur leur tempe il étend sa douce patte d’oie.
Les fards cachent les ans que n’avouent pas les femmes
Mais leur ventre honteux les fait montrer du doigt.

Et vous aurez alors des pensers ridicules.
- C’est en dix neuf cent un qu’un poète m’aima.
Seule je me souviens, moi, vieille qui spécule,
De sa laideur au taciturne qui m’aima.

Je suis laid, par hasard, à cette heure et vous, belle,
Vous attendez le ravisseur longtemps promis
Qui déploie comme un mirage du mont Gibel
Le bonheur d’être deux toujours et endormis.

Très humbles devant vous pleureront des Ricombres
Donnant l’anneau gemmal pour l’éternel baiser
Et des pauvres fameux pour vous vendraient leur ombre
Puis, loin de vous, pensifs, mourraient d’un cœur brisé.

Il en viendra beaucoup des trouveurs d’aventure,
En galop tout poudreux, des roses plein les mains,
Mais l’un, un soir, dénouera votre chevelure
Et vous crierez : C’est toi ! ... C’est toi jusqu’à demain.

Car l’endemain viendront des chevaucheurs encore
Moustachus et câlins ou brutaux à souhait
Qui, joie ! seront vainqueurs, Ma Joie ! vainqueurs encore
Par la caresse lente ou même à coup de fouet.

Et peut-être sera-ce alors temps de tristesse,
Quand vos ongles tachés de blanc déchireront
Votre chair ; quand le cœur trop plein de « Quand était-ce »
Vous pleurerez fronçant les plis de votre front.

Intercalées dans l’an viendront les journées veuves,
Les vendredis sanglants et lents d’enterrements,
Des blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant.

Cependant, grâce à vous, merci ! ma délicieuse !
J’ai bien compris que seuls pouvaient vivre en m’aimant
Dans l’ombre originelle où mon repos se creuse
Les bons vers immortels qui s’ennuient patiemment.

Et pourtant c’est bien vrai, je n’eus aucun désir
Sinon téter la lune, ô nuit au seul tétin
Et creuser à jamais mon logique Nazir
Malgré l’amour terrestre aux baisers florentins.

Non, je ne veux aucun de ces cœurs que l’on donne,
Ni de l’aumône humaine exquise aux cœurs ingrats,
Ni du pieux soulas des grâces des madones,
Ni de l’amour humain qui fait trop d’embarras.

Tous les dons sont impurs et les joyaux sont tristes
Et l’amour est maudit pour ce qu’il peut donner,
Il n’y a pas encor de cadeaux anarchistes
Il n’y a que la paix quand finit la journée.

Il y a les yeux bleus des mères inquiètes,
Il y a les grands chiens et les dieux inconnus
Et la rage et le doute et le nom des poètes
Avec l’éternité des marbres toujours vus.

Apollinaire-Avenir

Quand trembleront d’effroi les puissants les ricombres
Quand en signe de peur ils dresseront leurs mains
Calmes devant le feu les maisons qui s’effondrent
Les cadavres tout nus couchés par les chemins

Nous irons contempler le sourire des morts
Nous marcherons très lentement les yeux ravis
Foulant aux pieds sous les gibets les mandragores
Sans songer aux blessés sans regretter les vies

Il y aura du sang et sur les rouges mares
Penchés nous mirerons nos faces calmement
Et nous regarderons aux tragiques miroirs
La chute des maisons et la mort des amants

Or nous aurons bien soin de garder nos mains pures
Et nous admirerons la nuit comme Néron
L’incendie des cités l’écroulement des murs
Et comme lui indolemment nous chanterons

Nous chanterons le feu la noblesse des forges
La force des grands gars les gestes des larrons
Et la mort des héros et la gloire des torches
Qui font une auréole autour de chaque front

La beauté des printemps et les amours fécondes
La douleur des yeux bleus que le sang assouvit
Et l’aube qui va poindre et la fraîcheur des ondes
Le bonheur des enfants et l’éternelle vie

Mais nous ne dirons plus ni le mythe des veuves
Ni l’honneur d’obéir ni le son du canon
Ni le passé car les clartés de l’aube neuve
Ne feront plus vibrer la statue de Memnon

Après sous le soleil pourriront les cadavres
Et les hommes mourront nombreux en liberté
Le soleil et les morts aux terres qu’on emblave
Donnent la beauté blonde et la fécondité

Puis quand la peste aura purifié la terre
Vivront en doux amour les bienheureux humains
Paisibles et très purs car les lacs et les mers
Suffiront bien à effacer le sang des mains

Apollinaire-Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores

Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores
Etonnons-nous des soirs mais vivons les matins
Méprisons l’immuable comme la pierre ou l’or
Sources qui tariront Que je trempe mes mains
                 En l’onde heureuse

Apollinaire-L'enfer

Un homme a traversé le désert sans rien boire
Et parvient une nuit sur les bord de la mer
Il a plus soif encore à voir le flot amer
Cet homme est mon désir, la mer est ta victoire.

Tout habillé de bleu quand il a l’âme noire
Au pied d’une potence un beau masque prend l’air
Comme si de l’amour – ce pendu jaune et vert –
Je voulais que brûlât l’horrible main de gloire.

Le pendu, le beau masque et cet homme altéré
Descendent dans l’enfer que je creuse moi-même
Et l’enfer c’est toujours : "Je voudrais qu’elle m’aime."

Et n’aurais-je jamais une chose à mon gré
Sinon l’amour, du moins une mort aussi belle.
Dis-moi, le savais-tu, que mon âme est mortelle ?

Apollinaire-Ombre

Vous voilà de nouveau près de moi
Souvenirs de mes compagnons morts à la guerre
L'olive du temps
Souvenirs qui n'en faites plus qu'un
Comme cent fourrures ne font qu'un manteau
Comme ces milliers de blessures ne font qu'un article de journal
Apparence impalpable et sombre qui avez pris
La forme changeante de mon ombre
Un Indien à l'affût pendant l'éternité
Ombre vous rampez près de moi
Mais vous ne m'entendez plus
Vous ne connaîtrez plus les poèmes divins que je chante
Tandis que moi je vous entends je vous vois encore
Destinées
Ombre multiple que le soleil vous garde
Vous qui m'aimez assez pour ne jamais me quitter
Et qui dansez au soleil sans faire de poussière
Ombre encre du soleil
Ecriture de ma lumière
Caisson de regrets
Un dieu qui s'humilie

Apollinaire-Sanglots

Notre amour est réglé par les calmes étoiles
Or nous savons qu’en nous beaucoup d’hommes respirent
Qui vinrent de très loin et sont un sous nos fronts
C’est la chanson des rêveurs
Qui s’étaient arraché le cœur
Et le portaient dans la main droite
Souviens-t’en cher orgueil de tous ces souvenirs

Des marins qui chantaient comme des conquérants
Des gouffres de Thulé des tendres cieux d’Ophir
Des malades maudits de ceux qui fuient leur ombre
Et du retour joyeux des heureux émigrants
De ce cœur il coulait du sang
Et le rêveur allait pensant
A sa blessure délicate
Tu ne briseras pas la chaîne de ces causes
Et douloureuse et nous disait
Qui sont les effets d’autres causes
Mon pauvre cœur mon cœur brisé
Pareil au cœur de tous les hommes
Voici voici nos mains que la vie fit esclaves
Est mort d’amour ou c’est tout comme
Est mort d’amour et le voici Ainsi vont toutes choses
Arrachez donc le vôtre aussi
Et rien ne sera libre jusqu’à la fin des temps
Laissons tout aux morts
Et cachons nos sanglots

Apollinaire-Signe

Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne
Partant j’aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs

Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d’antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c’est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol

Baudelaire-La corde

Les illusions, - me disait mon ami, - sont aussi innombrables peut-être que les rapports des hommes entre eux, ou des hommes avec les choses. Et quand l'illusion disparaît, c'est-à-dire quand nous voyons l'être ou le fait tel qu'il existe en dehors de nous, nous éprouvons un bizarre sentiment, compliqué moitié de regret pour le fantôme disparu, moitié de surprise agréable devant la nouveauté, devant le fait réel. S'il existe un phénomène évident, trivial, toujours semblable, et d'une nature à laquelle il soit impossible de se tromper, c'est l'amour maternel. Il est aussi difficile de supposer une mère sans amour maternel qu'une lumière sans chaleur; n'est-il donc pas parfaitement légitime d'attribuer à l'amour maternel toutes les actions et les paroles d'une mère, relatives à son enfant? Et cependant écoutez cette petite histoire, où j'ai été singulièrement mystifié par l'illusion la plus naturelle.
Ma profession de peintre me pousse à regarder attentivement les visages, les physionomies, qui s'offrent dans ma route, et vous savez quelle jouissance nous tirons de cette faculté qui rend à nos yeux la vie plus vivante et plus significative que pour les autres hommes. Dans le quartier reculé que j'habite, et où de vastes espaces gazonnés séparent encore les bâtiments, j'observai souvent un enfant dont la physionomie ardente et espiègle, plus que toutes les autres, me séduisit tout d'abord. Il a posé plus d'une fois pour moi, et je l'ai transformé tantôt en petit bohémien tantôt en ange, tantôt en Amour mythologique. Je lui ai fait porter le violon du vagabond, la Couronne d'Epines et les Clous de la Passion, et la Torche d'Eros. Je pris enfin à toute la drôlerie de ce gamin un plaisir si vif, que je priai un jour ses parents, de pauvres gens, de vouloir bien me le céder, promettant de bien l'habiller, de lui donner quelque argent et de ne pas lui imposer d'autre peine que de nettoyer mes pinceaux et de faire mes commissions. Cet enfant, débarbouillé, devint charmant, et la vie qu'il menait chez moi lui semblait un paradis, comparativement à celle qu'il aurait subie dans le taudis paternel. Seulement je dois dire que ce petit bonhomme m'étonna quelquefois par des crises singulières de tristesse précoce, et qu'il manifesta bientôt un goût immodéré pour le sucre et les liqueurs; si bien qu'un jour où je constatai que, malgré mes nombreux avertissements, il avait encore commis un nouveau larcin de ce genre, je le menaçai de le renvoyer à ses parents. Puis je sortis, et mes affaires me retinrent assez longtemps hors de chez moi.
Quels ne furent pas mon horreur et mon étonnement quand, rentrant à la maison, le premier objet qui frappa mes regards fut mon petit bonhomme, l'espiègle compagnon de ma vie, pendu au panneau de cette armoire! Ses pieds touchaient presque le plancher; une chaise, qu'il avait sans doute repoussée du pied, était renversée à côté de lui; sa tête était penchée convulsivement sur une épaule; son visage, boursouflé, et ses yeux, tout grands ouverts avec une fixité effrayante, me causèrent d'abord l'illusion de la vie. Le dépendre n'était pas une besogne aussi facile que vous le pouvez croire. Il était déjà fort raide, et j'avais une répugnance inexplicable à le faire brusquement tomber sur le sol. Il fallait le soutenir tout entier avec un bras, et, avec la main de l'autre bras, couper la corde. Mais cela fait, tout n'était pas fini; le petit monstre s'était servi d'une ficelle fort mince qui était entrée profondément dans les chairs, et il fallait maintenant, avec de minces ciseaux, chercher la corde entre les deux bourrelets de l'enflure, pour lui dégager le cou.
J'ai négligé de vous dire que j'avais vivement appelé au secours; mais tous mes voisins avaient refusé de me venir en aide, fidèles en cela aux habitudes de l'homme civilisé, qui ne veut jamais, je ne sais pourquoi, se mêler des affaires d'un pendu. Enfin vint un médecin qui déclara que l'enfant était mort depuis plusieurs heures. Quand, plus tard, nous eûmes à le déshabiller pour l'ensevelissement, la rigidité cadavérique était telle, que, désespérant de fléchir les membres, nous dûmes lacérer et couper les vêtements pour les lui enlever.
Le commissaire, à qui, naturellement, je dus déclarer l'accident, me regarda de travers, et me dit: " Voilà qui est louche! " mû sans doute par un désir invétéré et une habitude d'état de faire peur, à tout hasard, aux innocents comme aux coupables.
Restait une tâche suprême à accomplir, dont la seule pensée me causait une angoisse terrible : il fallait avertir les parents. Mes pieds refusaient de m'y conduire. Enfin j'eus ce courage. Mais, à mon grand étonnement, la mère fut impassible, pas une larme ne suinta du coin de son oeil. J'attribuai cette étrangeté à l'horreur même qu'elle devait éprouver, et je me souvins de la sentence connue: "Les douleurs les plus terribles sont les douleurs muettes." Quant au père, il se contenta de dire d'un air moitié abruti, moitié rêveur: "Après tout, cela vaut peut-être mieux ainsi; il aurait toujours mal fini!"
Cependant le corps était étendu sur mon divan, et, assisté d'une servante, je m'occupais des derniers préparatifs, quand la mère entra dans mon atelier. Elle voulait, disait-elle, voir le cadavre de son fils. Je ne pouvais pas, en vérité, l'empêcher de s'enivrer de son malheur et lui refuser cette suprême et sombre consolation. Ensuite elle me pria de lui montrer l'endroit où son petit s'était pendu. Oh! non! madame, - lui répondis-je, - cela vous ferait mal." Et comme involontairement mes yeux se tournaient vers la funèbre armoire, je m'aperçus, avec un dégoût mêlé d'horreur et de colère, que le clou était resté fiché dans la paroi, avec un long bout de corde qui traînait encore. Je m'élançai vivement pour arracher ces derniers vestiges du malheur, et comme j'allais les lancer au-dehors par la fenêtre ouverte, la pauvre femme saisit mon bras et me dit d'une voix irrésistible: "Oh! monsieur! laissez-moi cela! je vous en prie! je vous en supplie!" Son désespoir l'avait, sans doute, me parut-il, tellement affolée, qu'elle s'éprenait de tendresse maintenant pour ce qui avait servi d'instrument à la mort de son fils, et le voulait garder comme une horrible et chère relique. - Et elle s'empara du clou et de la ficelle.
Enfin! enfin! tout était accompli. Il ne me restait plus qu'à me remettre au travail, plus vivement encore que d'habitude, pour chasser peu à peu ce petit cadavre qui hantait les replis de mon cerveau, et dont le fantôme me fatiguait de ses grands yeux fixes. Mais le lendemain je reçus un paquet de lettres : les unes, des locataires de ma maison, quelques autres des maisons voisines; l'une, du premier étage; l'autre, du second; l'autre, du troisième, et ainsi de suite, les unes en style demi-plaisant, comme cherchant à déguiser sous un apparent badinage la sincérité de la demande; les autres, lourdement effrontées et sans orthographe, mais toutes tendant au même but, c'est-à-dire à obtenir de moi un morceau de la funeste et béatifique corde. Parmi les signataires il y avait, je dois le dire, plus de femmes que d'hommes; mais tous, croyez-le bien, n'appartenaient pas à la classe infime et vulgaire. J'ai gardé ces lettres.
Et alors, soudainement, une lueur se fit dans mon cerveau, et je compris pourquoi la mère tenait tant à m'arracher la ficelle et par quel commerce elle entendait se consoler.

Baudelaire-La fausse monnaie

Comme nous nous éloignions du bureau de tabac, mon ami fit un soigneux triage de sa monnaie ; dans la poche de son gilet il glissa de petites pièces d’or ; dans la droite, de petites pièces d’argent ; dans la poche gauche de sa culotte, une masse de gros sols, et enfin, dans la droite, une pièce d’argent de deux francs qu’il avait particulièrement examinée.

« Singulière et minutieuse répartition ! » me dis-je en moi-même.

Nous fîmes la rencontre d’un pauvre qui nous tendit sa casquette en tremblant. – Je ne connais rien de plus inquiétant que l’éloquence muette de ces yeux suppliants, qui contiennent à la fois, pour l’homme sensible qui sait y lire, tant d’humilité, tant de reproches. Il y trouve quelque chose approchant cette profondeur de sentiment compliqué, dans les yeux larmoyants des chiens qu’on fouette.

L’offrande de mon ami fut beaucoup plus considérable que la mienne, et je lui dis « Vous avez raison ; après le plaisir d’être étonné, il n’en est pas de plus grand que celui de causer une surprise. – C’était la pièce fausse », me répondit-il tranquillement, comme pour se justifier de sa prodigalité.

Mais dans mon misérable cerveau, toujours occupé à chercher midi à quatorze heures (de quelle fatigante faculté la nature m’a fait cadeau !) entra soudainement cette idée qu’une pareille conduite, de la part de mon ami, n’était excusable que par le désir de créer un événement dans la vie de ce pauvre diable, peut-être même de connaître les conséquences diverses, funestes ou autres, que peut engendrer une pièce fausse dans la main d’un mendiant. Ne pouvait-elle pas se multiplier en pièces vraies ? Ne pouvait-elle pas aussi le conduire en prison ? Un cabaretier, un boulanger, par exemple, allait peut-être le faire arrêter comme faux monnayeur ou comme propagateur de fausse monnaie. Tout aussi bien la pièce fausse serait peut-être, pour un pauvre petit spéculateur, le germe d’une richesse de quelques jours. Et ainsi ma fantaisie allait bon train, prêtant des ailes à l’esprit de mon ami et tirant toutes les déductions possibles de toutes les hypothèses possibles.

Mais celui-ci rompit brusquement ma rêverie en reprenant mes propres paroles : « Oui, vous avez raison ; il n’est pas de plaisir plus doux que de surprendre un homme en lui donnant plus qu’il n’espère. »

Je le regardai dans le blanc des yeux, et je fus épouvanté de voir que ses yeux brillaient d’une incontestable candeur. Je vis alors clairement qu’il avait voulu faire à la fois la charité et une bonne affaire ; gagner quarante sols et le cœur de Dieu ; emporter le paradis économiquement ; enfin attraper gratis un brevet d’homme charitable. Je lui aurais presque pardonné le désir de la criminelle jouissance dont je le supposais tout à l’heure capable ; j’aurais trouvé curieux, singulier, qu’il s’amusât à compromettre les pauvres ; mais je ne lui pardonnerai jamais l’ineptie de son calcul. On n’est jamais excusable d’être méchant, mais il y a quelque mérite à savoir qu’on l’est ; et le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise.

Baudelaire-Le mauvais vitrier

Il y a des natures purement contemplatives et tout à fait impropres à l'action qui cependant, sous une impulsion mystérieuse et inconnue, agissent quelquefois avec une rapidité dont elles se seraient crues elles-mêmes incapables.
Tel qui, craignant de trouver chez son concierge une nouvelle chagrinante, rôde lâchement devant sa porte sans oser rentrer, tel qui garde quinze jours une lettre sans la décacheter, ou ne se résigne qu'au bout de six mois à opérer une démarche nécessaire depuis un an, se sentent quelquefois brusquement précipités vers l'action par une force irrésistible comme la flèche d'un arc. Le moraliste et le médecin, qui prétendent tout savoir, ne peuvent pas expliquer d'où vient si subitement une si folle énergie à ces âmes paresseuses et voluptueuses, et comment, incapables d'accomplir les choses les plus simples et les plus nécessaires, elles trouvent à une certaine minute un courage de luxe pour exécuter les actes les plus absurdes et souvent même les plus dangereux.
Un de mes amis, le plus inoffensif rêveur qui ait existé, a mis une fois le feu à une forêt pour voir, disait-il, si le feu prenait avec autant de facilité qu'on l'affirme généralement. Dix fois de suite, l'expérience manqua; mais, à la onzième, elle réussit beaucoup trop bien.
Un autre allumera un cigare à côté d'un tonneau de poudre, pour voir, pour savoir, pour tenter la destinée, pour se contraindre lui-même à faire preuve d'énergie, pour faire le joueur, pour connaître les plaisirs de l'anxiété, pour rien, par caprice, par désœuvrement.
C'est une espèce d'énergie qui jaillit de l'ennui et de la rêverie; et ceux en qui elle se manifeste si inopinément sont, en général, comme je l'ai dit, les plus indolents et les plus rêveurs des êtres.
Un autre, timide à ce point qu'il baisse les yeux même devant les regards des hommes, à ce point qu'il lui faut rassembler toute sa pauvre volonté pour entrer dans un café ou passer devant le bureau d'un théâtre, où les contrôleurs lui paraissent investis de la majesté de Minos, d'Éaque et de Rhadamanthe, sautera brusquement au cou d'un vieillard qui passe à côté de lui et l'embrassera avec enthousiasme devant la foule étonnée.
Pourquoi? Parce que... parce que cette physionomie lui était irrésistiblement sympathique? peut-être; mais il est plus légitime de supposer que lui-même il ne sait pas pourquoi.
J'ai été plus d'une fois victime de ces crises et de ces élans, qui nous autorisent à croire que des démons malicieux se glissent en nous et nous font accomplir, à notre insu, leurs plus absurdes volontés.
Un matin je m'étais levé maussade, triste, fatigué d'oisiveté, et poussé me semblait-il, à faire quelque chose de grand, une action d'éclat; et j'ouvris la fenêtre, hélas!
(Observez, je vous prie, que l'esprit de mystification qui, chez quelques personnes, n'est pas le résultat d'un travail ou d'une combinaison, mais d'une inspiration fortuite, participe beaucoup, ne fût-ce que par l'ardeur du désir, de cette humeur, hystérique selon les médecins, satanique selon ceux qui pensent un peu mieux que les médecins, qui nous pousse sans résistance vers une foule d'actions dangereuses ou inconvenantes).
La première personne que j'aperçus dans la rue, ce fut un vitrier dont le cri perçant, discordant, monta jusqu'à moi à travers la lourde et sale atmosphère parisienne. Il me serait d'ailleurs impossible de dire pourquoi je fus pris à l'égard de ce pauvre homme, d'une haine aussi soudaine que despotique.
«– Hé! hé!» et je lui criai de monter. Cependant je réfléchissais non sans quelque gaieté, que, la chambre étant au sixième étage et l'escalier fort étroit, l'homme devait éprouver quelque peine à opérer son ascension et accrocher en maints endroits les angles de sa fragile marchandise.
Enfin il parut: j'examinai curieusement toutes ses vitres, et je lui dis: «Comment? vous n'avez pas de verres de couleur? des verres roses, rouges, bleus, des vitres magiques, des vitres de paradis? imprudent que vous êtes, vous osez vous promener dans des quartiers pauvres, et vous n'avez pas même de vitres qui fassent voir la vie en beau!» Et je le poussai vivement dans l'escalier, où il trébucha en grognant.
Je m'approchai du balcon et je me saisis d'un petit pot de fleurs, et quand l'homme reparut au débouché de la porte, je laissai tomber perpendiculairement mon engin de guerre sur le rebord postérieur de ses crochets; et le choc le renversant, il acheva de briser sous son dos toute sa pauvre fortune ambulatoire qui rendit le bruit éclatant d'un palais de cristal crevé par la foudre.
Et, ivre de ma folie, je lui criai furieusement: «La vie en beau! la vie en beau!» Ces plaisanteries nerveuses ne sont pas sans péril, et on peut souvent les payer cher. Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance?

Mémé

Où es tu ?
Que de larmes pour ne rien dire, tout retenir pour rester positive :
Pas un mot sur toi sans sourire. Pas de tristesse. Ta volonté est difficile d’application.
Je parle de tes souvenirs, des miens,
De tes manies, de ton sourire, de ta grâce, de ton amour.
En parlant de ta vie, comme je suis maladroite..
Là, maintenant, tout de suite, viens
Reviens
Je ne suis pas d’accord, on ne m’a rien demandé à moi
Et que fais tu là bas ? je ne te vois plus, je ne t’entends plus.
Reviens
Ici sans toi tout est noir. Les couleurs que j’aperçois, et elles sont belles, je ne peux plus les transmettre aux personnes qui me les portent.
Tu saurais me dire, toi, me montrer, où est la porte.
J’espère que tu vas bien.
Moi je suis effondrée par ton absence, tout ce silence ! ce n’est pas possible, pas possible..
En voilà une phrase bête que je répète depuis tout ce temps.
Je sais qu’il ne faut rien dire mais tu me manque beaucoup trop.
Reviens
La vie n’a plus le même visage depuis toi.
Il y a des instants inutiles et celui de ton départ en est un gigantesque.
J’ai besoin de tes mots, de ton odeur, de ta vie dans la mienne.
Les souvenirs sont un recul, je te veux dans mon présent et mon avenir.
Reviens
Sans toi je ne suis plus rien, tout reste froid et lointain.
Que le temps recule et qu’il s’arrête,
Que jamais tu n’aies à me quitter.
Oui, c’est égoïste. Je n’y peux rien, tu n’es plus là.
Demain tu m’aurais dit qu’il ne fallait pas que je t’appelle si longtemps,
Que tu m’as préparé des tartes et que cela m’aidera à penser à toi, à finir le mois,
Que ta rue est vide un peu plus chaque jour, mais que toi ça va,
Que tu nous attends.
Ta mort est une blessure irréparable.
J’en veux à la terre entière.

Choix

Je ne sais même plus pleurer ;
Petites larmes qui calmez nos peaux trop sèches,
L’ennui vous a fait fuir.
Je ne suis rien si je ne me sens pas vivre.
Néant, passé, fuite.
Je suis en manque de la plus petite étincelle,
Qui réveillerai mon âme, qui soulèverait mon corps ;
Mais à mon grand chagrin, il n’y a rien.
Rien devant, rien derrière ; l’Absence,
Mot retentissant dans une évidence crue,
M’arrache les semblants d’espoirs qui me laissaient agrippés au port.
J’ai soudain le curieux sentiment d’être au bout d’une impasse.
Jamais, je crois, je n’avais compris le sens exact de ce mot
Alors que j’entre à petits pas, sans sous, dans cette angoisse de vivre.
Revenez à moi larmes grosses et coulantes de chaleur et de vie !
Venez donc, osez soigner ce corps desséché !
Allez ! Il ne me reste que si peu à perdre.
Je ne veux pas m’avouer vaincue mais il reste si peu de flèches à mon arc,
Qu’il me semble bien difficile de n’en saisir ne serait-ce qu’une.
Mots, passé, écrire, oubli, travail, oui,
Là réside la finalité ;
Soulagement amer de mes pauvres peurs éphémères.
Travailler – à la ruine de l’esprit sans doute –
Saisir, appeler, répondre, écouter, recopier ?
Voilà quel serait donc mon sort ?
Je suis aujourd’hui bien plus qu’écrasée,
Mais je ne veux pas de vos vies,
Je ne le pourrai jamais.
A tant combattre pour deviner qui se cache en mon sein,
A regarder vivre les autres, ignares et heureux : Abdication.
Chercher la valeur des autres, ce qui se paye,
Plutôt poser les armes et fermer les yeux.
Ce n’est pourtant que ma vie que je recherche.
Serait-ce trop utopique ?

Père

Je ne pleurerai pas.
Enfin un Choix qui se dessine là sous mes peaux
Je ne pleurerai pas.
J’ai bien trop attendu.
J’ai bien tout entendu : critiques, injures, soupirs, vérités.
Vos yeux même me vomissaient leur sagesse malsaine.
Et cependant il n’y a d’erreur que pour celui qui ose.
Paroles inutiles à tout esprit qui s’affole.
Partez ! Quittez mes terres et mes pensées !
Je n’ai surtout pas besoin de vous. Partez.
Que je sorte enfin de mon égocentrisme
Que renaisse l’espoir naïf de mon enfance sans souvenirs.
Ecartez de moi tout ce qu’il existe de sage et de nécessaire,
Puisque vous ne saurez jamais définir ces mots.
Et pourtant tu me l’avais dit : je suis toujours en demande.
Toujours ce besoin incontrôlable et insatiable d’être ailleurs, d’être mieux.
Plus d’argent, plus d’amis, plus d’amour, plus d’Elle, plus de ce matériel ridicule,
Plus de temps.
Chaque seconde qui s’écoule reste une seconde perdue sous mes yeux.
Mieux gérer, organiser, étiqueter,
Afin que jamais ne me revienne ce sentiment de coupable impuissance.
Ces heures, ces années à attendre qu’il s’éloigne ou qu’il meure,
Sans jamais oser le tuer.

Mes alertes s'affaissent

Mes alertes s’affaissent, de ce côté que je ne reconnais pas.
Imbues à moi-même, elles vomissent dans mon dos, accrochées à ma colonne pour que je ne les oublie pas.
L’odeur en est âcre et sucrée ; cela me pique aux yeux, je m’affaiblie.
Me voilà obligée à froncer ma concentration afin de maintenir ma sociabilité. Quelle idiotie futile.
Il m’en reste une impression de ne pas me transmettre, dans cette transparence qui m’ôte toute chair et tout sang. Plus le moindre afflux, plus la moindre pression, oppression, de cette latence de vie imposée par le vide.
Comme un être à qui il manquerait la langue, ce muscle indispensable.
Pourtant ma bouche s’ouvre, des mots s’en évadent, fluides de vert lourd qui stagne. C’est à dire qu’ils ne sont pas les miens.
Devrais je toujours utiliser les mots des autres dans des pensées qui ne sont miennes pour aboutir à l’immédiate satisfaction d’autrui ?
Moi qui pensais que le silence suffisait.
A ce point, lorsque l’intérêt ciblait, les visages s’accordaient de mots ;
Les phrases, longues, les gestes, les yeux fixés. Le cœur, les poumons, le ventre, tout le monde y trouvait son bonheur !
Il n’en est rien.
Je ne reste que dans l’ennui qui s’assied, fatigué de tourner en rond dans un discours usé que je ne connais que trop.
Où est l’attrait ? Où est l’odeur ? Où est cette nourriture dont j’ai tant besoin ?
Se peut il que je n’arrive plus a vous voir ? A user vos colères sur des pierres gonflées de mastic ? Je n’y croyais pas et pourtant me voilà : un  trompe l’œil n’est pas un avis, même une idée, mais une gouache sans identité.
Il y a un retard qui ne vient pas de moi. Il y a dans mes ombres des gens qui ne se masturbent que trop. Il y a dans mes humeurs une insatisfaction hypocrite face à une toile blanchâtre et vieille. Je n’en veux pas. Donnez m’en une autre, celle-ci craque et ses bruits me dérangent. J’en préfère le silence.
Ou choisissez vos mots, cela me changera.
Mais ces dictions raccourcies, ces automatismes sans lyrisme, comme un cerf ayant perdu son œil, que voulez vous que cela me fasse ?
J’ai pris port depuis si longtemps.
Une charrue, un train et un histrion se combattent,
- Faites que je ne sois pas l’histrion -
Mais me voilà face à un lutin qui se croit éléphant.
Pourquoi donc lui transmettre l’image, puisqu’en habit d’éléphant il se croit investit d’une vie..
Dans mes demeures intérieures une impatience se devine
Tel un lac que l’on se permettrait de vider.
De cette seconde à la suivante, j’aurai observé tous tes contours maladroits.
Il ne viendra personne, ce n’est pas l’heure mais l’instant qui est trop faible.
Aboutir sera toujours emprunt à viscérer tous les creux d’âmes,
A réduire un peu plus la rampe de nos faiblesses.
Mais je peux aussi dire que cela vient de Dieu,
Il en rirait avec moi.
Alors je maintiens à travers elle un profond désir d’apaisement de mon être,
Croisement des chairs et des énergies,
Qui, seules, viendraient étonner mon quotidien.
Car je ne suis pas en ennui, en étude ou en attente de renonciations.
Viens, que je te glisse les intérêts premiers d’une liberté,
Les couleurs qui débordent, arrachant une à une les obligations qui restaient.
Viens, entre, mange un peu du connu que l’on ne prend pas la peine de ressasser afin d’agrandir la place du cœur, ouvrir sur des sentiments pleins.
La mémoire, ce bien rare, l’autre visage de la peur, chemine là pour nous.
Qu’à cela ne tienne ! Elle me reparle de ses lacets !
Que dois je répondre ? Serait-ce possible que je lui dise, chevauchant sa beauté magnifique, qu’il n’est pas de tunnel sans pierre, de mer sans sel, de linge sans coton, de vin sans arôme, d’électricité sans fer, d’adsorption sans tarte, de pain sans mains, de mots sans yeux, d’image sans reflet ?
Sa beauté m’aveugle.
Quand reverrais-je ses yeux ?

C'est de la gangrène

C'est de la gangrène.
Et de la gangrène d'anarchiste qui plus est.
Avez-vous des yeux?
Mon corps est vide. Je dois remettre un cierge à brûler, encore.
Une bougie peut-être : elle me remplirait plus longtemps.
Mais elle déborderait ! une bougie, ça déborde tout le temps.
Non, j'irai dehors plutôt. Attendez-moi, je viens vous voir.
Comment ? Mais non, pour moi bien sûr, que je sente votre gêne,
Que le silence s'installe en poids de baleine,
Que votre visage se déforme sous cet effort mondain.
Voyons. Est-il un autre jeu qui m'amuse autant ?
Pousser au vice, créer l'erreur, de toute pièce,
Pièces de rouille, nicotine pesante,
Les yeux qui roulent, les voix se lèvent..
Vous en avez mis un temps de tortue pour sortir !
Vous aviez tant de cire a ramasser sans doute ?
Je ne vous salue point corps décharnés
Voyez comme vous n'êtes pas montrables ainsi vêtues,
Vous en mettez partout ; quelqu'un va glisser sur vos traces,
Quelqu'un va tomber dans votre gélatine.
Et je ne vous parle pas de l'odeur ! Qu'avez-vous donc avalé?
Viscosité gênante, comprenez-moi, je ne traine pas avec ce genre de cadavre ;
Souhaitez-vous une éponge ? Une pelle peut-être ?
Oui, comme je ressens, vous préferez partir, vous voila bancale.
Quel dommage, nous nous reverrons plus tard sans doute,
Lorsque la page sera finie.
Ne vous en faites pas pour vos restes abatiques, je saurai nettoyer.
Je devrais pouvoir en remplir deux, trois sots je pense,
Quelques troncs cireux pour mes necessités hebdomadaires ;
Mais il me manque toujours les yeux.
Des yeux de rechange puisque les miens voient
Et ne retiennent que le plus laid, ce qui est gênant.
Cynisme ou vérité, avec ou sans mes jeux farfelus et stupides,
Que je n'applique pas,
Je vois bien tous vos nerfs et vos muscles fatigués.
D'autant que vous ne faites rien, ou si peu, ce qui est troublant également.
Emotions inventées, quotiens gonflés d'inutile,
Allons donc chercher un dictionnaire,
Elle ne m'est pas inconnue.
Les voiles levées, aucun vent ne souffle ;
Peu m'importe, je ne suis pas faite de carbonne.
Mon corps est chargé de nerfs et de muscles
Soignés par des fleurs que j'ai volées à vos maisons, à vos rues
Le soleil, même, non, ce n'est pas le mien.
Ici, de tout ce que vous observez, rien n'est à moi.
Ici, de tout ce que j'observe, et cela n'est pas peu,
J'ai du rangement à faire.
Car je n'ai pas finie, non, j'arrive seulement.
Autorisez moi à boîter, je suis en construction.
Mais elle veut des couleurs par bateaux entiers.
Des couleurs, j'en ai plein, j'en ai des tonnes ;
Seulement je boîte. C'est un fait. Réalité transperçante.
C'est que l'on joue avec mon pied.
On le chatouille, on l'écrase, on le trempe dans de multiples bains étranges.
Et moi je vois mon pied passer de mains en mains,
Observé comme s'il était un tout, une indépendance coupable
De bêtise.
Rendez-moi mon pied ! Regardez, j'en mets partout
Quelqu'un va tomber..