07/04/2011

Dominique A-Pères

Nos pères ont pris sur eux après notre arrivée
Même s’ils s’en défendaient, même s’ils acceptaient
Ils nous ont vus finir à leur place le repas
Certains savaient en rire, d’autres n’y arrivaient pas.

Nos pères nous en voulaient même ceux qui ne voulaient pas
Nous rendre responsables et même ceux qui pensaient
Après-coup qu’ils avaient longtemps voulu qu’on soit
Un jour à cette table à finir le repas.

Leurs femmes nous trimballaient, nous crochetaient le bras
Clignant des yeux d’amour pour qu’on ne les oublie pas
Comme si c’était possible d’oublier ces yeux-là
Ces lèvres au bord du vide qui s’écrasaient sur nous

Ces lèvres que nos pères n’atteignaient que de loin
Depuis qu’on était là, depuis qu’on faisait tout
Pour leur prendre une à une les choses de la main
Avec cet alibi de n’y rien voir du tout.

Nos pères n’ont jamais su nous détester vraiment
Attachés par amour à tout nous pardonner
Et même quand c’était trop, qu’on était trop présent
Ils ne luttaient pas trop avant de s’effacer.

Et à tant s’effacer, nos pères ont disparus,
Et quand on a compris, on a regardé la terre
Qui ne recracherait rien, on a regardé nos mères
Qu’on avait jamais vues si éloignées de nous.

On les a regardées peinant à évoquer
Ces hommes tels qu’ils étaient avant notre arrivée,
Avant qu’ils ne s’assoient pour mieux nous reconnaître,
Pour bien nous regarder avant de disparaître.

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